Vers le Col et le Lac d'Arsine

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Le vallon et le lac d'Arsine

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L'entrée dans le vallon d’Arsine

À gauche - Dès l'abord du refuge, tout le vallon d'Arsine se dévoile, jusqu'à la Montagne des Agneaux (3 664 m) au fond, et à son pied les hautes moraines du Glacier d'Arsine, où se nichent les lacs d'Arsine.
À droite - Du sentier qui mène au Col d’Arsine, la série du Lias et du Jurassique moyen est bien exposée. La coupe complète peut être observée sur le flanc Est de la Bosse de Chamoissières. On y observera les différents faciès, avec de nombreux fossiles, bélemnites et ammonites. On pourra aussi retrouver ces faciès, bien dégagés, dans les blocs erratiques du vallon qui mène au Col d’Arsine.
L'étoile bleue correspond à des affleurements riches en fossiles (les admirer, mais ne pas en casser ni en récolter, même sur des blocs détachés !). L'étoile rouge marque l'entrée de l'ancienne mine de l'Alpe.

Les affleurements proches du refuge

Peu en amont du refuge affleurent des calcaires riches en fossiles (ne pas en prélever !), surtout des bélemnites (anciens céphalopodes ressemblant aux seiches actuelles. Seul le rostre, en forme de balle de fusil, est fossilisé) (photo de gauche, Pêcher, A. et Tordjman, P., 2018) et (photo de droite) quelques ammonites (un autre type de céphalopode, ressemblant au nautile actuel). Ils ont été datés du Jurassique moyen (environ 170 Ma). Le Jurassique inférieur est donc très mince, certains étages manquent même sans doute : ces sédiments se sont sans doute déposés sur un ancien relief sous-marin.
Vu de près, un débit schisteux est nettement visible. Il recoupe ici obliquement la stratification (limite des bancs calcaires et marneux), et c'est lui qui structure le paysage. L'existence de cette schistosité implique un fort aplatissement de la roche.

Peu avant le pied de la moraine, le contact sédimentaire-cristallin

Avant de bifurquer pour la piste qui grimpe la moraine, on a une belle vue à droite sur l'arête Est du Pic de Chamoisière (3 207 m). La combe enneigée était occupée par le Glacier du Dragon, aujourd'hui disparu. A la base de l'éperon, les formations du Trias (lie de vin) et du Jurassique (gris bleuté), en plaquage sur les gneiss du socle. C'est la suite vers l'amont du vallon du contact vu derrière le refuge.

Le complexe glaciaire d’Arsine

Le front du glacier d'Arsine.
À gauche , une vue aérienne datant de 1969, prise vers l'Est (haut vallon du Tabuc, ph A. Pêcher). Derrière la grande moraine frontale, le lac d'Arsine. À cet époque, il y avait un seul lac. Le front glaciaire l'atteignait, et le glacier pouvait vêler (s'effondrer) dangereusement dans le lac.
À droite, en 2024, le cirque glaciaire d’Arsine depuis les Crêtes du Combeynot (2975 m)(Ph. B. Francou). En arrière plan, à gauche la montagne des Agneaux (3 664 m) et à droite le Pic de Neige Cordier (3 614 m). Au centre, le Pelvoux (3 946 m) dépasse derrière le col de la Pyramide.

Les dépôts morainiques, exceptionnellement conservés dans cette partie du massif des Ecrins, « racontent » l’histoire des glaciers depuis le début de l’Holocène (11 000 ans avant nous, soit 11,1 ka BP). On y trouve les restes des dernières langues glaciaires du Dryas Récent, réactivées au début de l’Holocène (oscillation Préboréale à 11,1 ka BP) sous la forme de glaciers rocheux aujourd’hui inactifs (GR). Le glacier rocheux formant le soubassement des moraines non couvertes de végétation du glacier d’Arsine remanie un gigantesque écroulement venant de la crête Agneaux-La Pyramide daté de 10,71 ±0,42 ka BP), dont des restes affleurent au col d’Arsine (ECR). Le grand vallum morainique non couvert de végétation (MO) représente le Petit Âge Glaciaire (XIV-XIX siècle). A l’extérieur de ce vallum, rive droite, les restes d’une avancée néoglaciaire datés à 3,74 ka BP. En arrière, le Glacier d’Arsine couvert de débris (« glacier noir ») et avec des lacs proglaciaires dont le plus ancien rive droite s’est développé à partir de la fin des années 1940 (archives IGN).

Quelques mètres avant le col d’Arsine, le sentier arrive au pied de la grande moraine du Glacier d’Arsine. C’est une des plus imposantes moraines du Massif des Écrins, mesurant 100 m de haut et formant un vaste amphithéâtre continu (moraine frontale). Elle date du petit âge glaciaire, mais son ampleur implique qu’elle se soit formée pendant toute la seconde partie de l’Holocène soit sur 5 000 ans. Elle repose sur un vieux dépôt formant des bourrelets entremêlés couverts de végétation, très visibles au lieu dit Réou d’Arsine, d’où sortent des eaux qui rejoignent le Petit Tabuc. Ce soubassement est un vieux glacier rocheux inactif datant du début de l’Holocène.

A gauche : le lac d'Arsine en 1986, à la fin des travaux de creusement de l'exutoire (ph L. Reynaud). La piste creusée pour les travaux est bien visible, recoupant en biais le front morainique.
A droite, vue vers l'amont des lacs d'Arsine en 2012 (ph. A. Pêcher). Avec le retrait glaciaire, un second lac est apparu, puis un troisième lac s'est ajouté aux précédents, alors que le front du glacier, bien visible sur cette photo (niche raide, peu en arrière du lac de gauche et en arrière des lacs de droite), continue à reculer

Le glacier d’Arsine est un petit glacier de 1,7 km de long, d’altitude comprise entre 2 450m et 3 600m, occupant tout le versant Nord de la crête Agneaux - Pic deNeige Cordier. C’est un bel exemple de glacier noir, un glacier couvert d’une couverture morainique superficielle continue. Cette couverture forme entre la glace et l’atmosphère un écran qui réduit l’intensité de la fonte de la glace, car la couche de cailloux conduit très mal en profondeur la chaleur produite en surface par le rayonnement solaire.
Le glacier recule cependant, comme le montrent les lacs formés en surface au cours de la seconde moitié du XXe siècle : un lac est observé pour la première fois sur une photographie aérienne de 1952; mais il est probable que sa naissance remonte à la période 1940-1948. Aujourd'hui (2024) il y a trois lacs principaux. D’autres lacs sont en formation rive droite et plus en amont, minant peu à peu la surface du glacier de cuvettes plus ou moins profondes retenant les eaux de fonte.

Le danger de ces lacs est un risque de vidange brutale, comme ça a été le cas pour celui formé au front du Glacier de Bonne Pierre en juin 2024, entraînant la crue torrentielle qui a emporté le village de La Bérarde.
En juillet 1985 M. Vallon (Université Grenoble-Alpes) remarque une importante évolution du lac (il est passé d’une surface de 0,7 ha en 1952 à 3,3 ha en 1969, et à 5,9 ha en 1985) et donne l’alerte. Le lac contient alors environ 800 000 m3 d’eau et son niveau est en constante augmentation (50 cm/an en moyenne), si bien qu’un débordement semble inéluctable (le franc-bord n’est plus que de 2 m en 1985) et menace d’inonder le vallon du petit Tabuc, et en aval, le hameau du Casset. Il est donc décidé de réaliser un chenal permanent de 250 m de long, permettant d’évacuer un débit de 15 m3/s et de maintenir le niveau du lac à une cote définie. Les travaux débutent dans l’urgence dès le 14 avril 1986 alors que lac et ses environs sont encore sous la neige. Il faudra plus de 15 jours d’efforts pour faire monter les engins au Col d’Arsine et le chenal est mis en service en juin 1986, écartant le risque de débordement incontrôlé.
Peu de temps après la fin des travaux, le 25 juillet 1986, un important vélage a eu lieu et l’exutoire a bien joué son rôle. Le volume de glace qui s’est détaché du glacier et est tombée dans le lac a été estimé à 30 000 m3 ; la vague ainsi crée a provoqué une augmentation instantanée du niveau du lac de près d’un mètre.
Aujourd'hui, l'exutoire continue a bien fonctionner et écarte le risque de vidange catastrophique vers le hameau du Casset en Guisane.

La vue sur le versant Sud du Massif du Combeynot

De la morraine du Glacier d'Arsine, on a en face de soi le versant Sud du massif du Combeynot. A la base, dans les pentes herbeuses, les calcschistes gris-bleutés du Lias et du Jurassique. Au dessus, une partie pierreuse peu raide, où se nichent des bourrelets qui évoquent des moraines encore actives : il s'agit d'un glacier rocheux. Au dessus, les pentes ruiniformes sont faites de granite du Combeynot. Le cristallin ancien vient donc chevaucher la couverture sédimentaire plus jeune.