Depuis environ 32Ma, le raccourcissement lié à la convergence des continents eurasiatique et africain est orienté à peu près Est-Ouest, entrainant un découpage de la croûte européennes en grandes écailles de socle et en nappes de couverture. Ecailles et nappes donnent plusieurs unités tectoniques distinctes, séparées par des failles et des chevauchements. Le principal de ces chevauchements sépare à l'Est les Alpes Internes et à l'Ouest les Alpes externes. Il passe à flanc rive gauche de la vallée de la Guisane, entre la zone Briançonnaise et la zone Dauphinoise
Les chiffres reportés sur la carte correspondent dans la légende (colonnes A, B et C) aux chiffres indiqués au centre de chaque rectangle de couleur (les "cartouches"). Les annotations accolées à chaque cartouche (pour le cristallin, des lettres grecques) sont conventionnelles et correspondent aux sigles utilisés sur les cartes géologiques du BRGM. Ils sont repris ci-dessous entre parenthèses. Cliquer ici pour voir la succession et les âges absolus des différents étages géologiques.
(A) Domaine Dauphinois - 1 (ζ) : gneiss et migmatites quartzo-feldspathiques du socle hercynien (Grandes-Rousses et Écrins-Pelvoux); 2 (δ) : amphibolites et gneiss amphiboliques; diorites (Agneaux, Étançons); 3 (γ) : granites hercyniens (env. 330 Ma); 4 (h) : Carbonifère supérieur (Grandes-Rousses); 5 (t) : Trias fin adhérent au socle (grès, dolomies et calcaires dolomitiques). Jurassique Inférieur (Lias)- 6 (l1-5) : Lias Inférieur calcaire indifférencié; 7 (l3-4) : Lias Inférieur, calcaires du Sinémurien; 8 (l6) : schistes et calcaires roux du Domérien; 9 (l6-8) : Domérien-Toarcien non différenciés; 10 (l6-lJ) : Lias schisteux indifférencié, Domérien-Aalénien; 11 (l7-8) : marnes du Toarcien; 12 (lJ) : Aalénien schisteux. Jurassique moyen et supérieur - 13 (J1-2) : calcaires sableux; 14 (J3-6) : marnes à accidents siliceux du Callovo-Oxfordien; 15 (J7-9) : calcaires fins du Kimméridgien-Tithonien. Paléogène - 16 (eG, eCg) : flysch gréseux et conglomérats de base de l'Eocène
(B) Domaine Subbriançonnais - 17 (tD) : dolomies du Trias moyen et supérieur; 18 (tG, tK) : gypses et cargneules du Trias; 19 (li) : Lias inférieur calcaire; 20 (lS) : Lias supérieur schisteux; 21 (jm) : Jurassique moyen, calcaire; 22 (jCc) : Jurassique moyen schisteux; 23 (jBr) : Jurassique supérieur, formation brêchique; 24(jo) : Jurassique supérieur, schistes noirs; 25 (n) : Crétacé inférieur, calcaires gréseux; 26 (c-e) : calcschistes du Crétacé supérieur - Paléocène; 27 (eC) : Crétacé supérieur-Paléocène, calcschistes; 28 (eF) : flysch Eocène, grès micacés et schistes noirs
(C) Domaine Briançonnais - 29 (ξ) : socle cristallin ante triasique, présent dans la nappe supérieure (Prorel, Eychauda); 30 (h) : Houiller, conglomérats et grès micacés, pélites, anthracite; 31 (rt) : Permo-Trias (Rhétien), conglomérats, arkoses, pélites versicolores; 32 (tiQ) : Trias Inférieur quartzitique. Trias moyen- 33 (tmV) : Trias moyen, calcaires vermiculés; 34 (tmC) : Trias moyen, calcaires rubanés; 35 (tmD) : Trias moyen, dolomies; 36 (tsBr) : Trias supérieur bréchique; 37 (tsD) : Trias supérieur, dolomies litées; 38 (tG) : gypses; 39 (tK) : cargneules (roches caverneuses calcaires, brêchiques); 40 (jm) : Jurassique moyen, brèches et calcschistes noirs; 41 (js) : Jurassique supérieur, marbres de Guillestre rouge et calcaires blancs; 42 (jBr) : Jurassique supérieur bréchique; 43 (j-n) : Jurassique supérieur - Crétacé inférieur, calcaires massifs clairs ou lités sombres; 44 (c-e) : Crétacé supérieur, calcschistes; 45 (eF) : "flysch noir" Éocène, grès et argilites; 46 (eO) : olistostrome; 47 (eC) : calcschistes Crétacé supérieur - Paléocènes; 48 (e-gBr) : "flysch noir" à microbrèches.
Sur cette carte simplifiée (A. Pêcher et Th. Dumont, 2023), les formations meubles récentes ne sont pas réprésentées. Comme le modelé géomorphologique, elles sont surtout héritées des glaciations quaternaires, jusqu'au "petit âge glaciaire", entre 1300 et 1850. Leur rôle est fondamental pour la compréhension du paysage.
Le refuge (carré noir) est situé en bordure W d'une mince bande de terrains sédimentaires (teintes mauves et violettes), restée en creux relatif par rapport à deux massifs cristallins :
- à l'Ouest, le massif du Pelvoux, formé ici de gneiss et de migmatites (i.e. de gneiss ayant atteint une température suffisante pour commencer à fondre, sans doute plus de 700°C)
- à l'Est, le massif du Combeynot, fait surout de granite. Ce dernier est une énorme "écaille cristalline", venue chevaucher le massif du Pelvoux lors du raccourcissement alpin.
- pincés dans ce chevauchement, les terrains sédimentaires (la couverture du socle cristallin), eux mêmes découpés en plusieurs écailles, dont les limites sont souvent jalonnées par des lambeaux de Trias (le Trias est représenté en orange).
Les cartes géologiqes détaillées du BRGM sont des documents un peu difficiles à lire pour le néophyte en géologie. Ci-dessus à gauche, une carte très simplifiée de la partie Est du massif des Écrins, du Combeynot et de la Haute Guisane. Le rectangle bleu correspond à l'emprise de l'extrait de la carte détaillée BRGM .
A droite, une coupe géologique allant des Étançons, au Nord de la Bérarde, jusqu'au Combeynot, selon le trait bleu épais reporté sur la carte (d'après la notice de la feuille BRGM St Christophe en Oisans). Elle recoupe les formations sédimentaires du synclinal d'Arsine.
Lors de la tectonique alpine (surtout à partir de 30 Ma), le raccourcissement de la marge européenne a provoqué sa dislocation. Le socle cristallin (gneiss et granites), avec sa géologie héritée de la période hercynienne (350-300 Ma), ainsi que sa couverture sédimentaire déposée du Trias à l'Éocène, se sont découpés en grandes écailles. Le massif cristallin du Combeynot (principalement du granite, agé de 330 Ma) est venu passer par dessus le massif cristallin Écrins-Pelvoux (gneiss et granites) : c'est un chevauchement important. Il est marqué sur la carte simplifiée par le trait noir souligné de barbules.
Des restes de la couverture sédimentaire sont pincés dans le chevauchement. Faits de terrains plus tendres, ils forment la dépression entre le Combeynot et le reste du massif du Pelvoux. On retrouve donc sur cette coupe les chevauchements vus en empruntant le sentier des crevasses.
Plus à l'Ouest, un autre chevauchement important est dessiné sur la carte. Il découpe lui aussi le socle cristallin, et est jalonné, comme celui du Combeynot, par du sédimentaire pincé : c'est le chevauchement de la Meije, bien visible depuis La Grave.
Au Nord-Est, la carte montre la zone des nappes briançonnaise. Ce sont de grandes unités tectoniques, faites de roches sédimentaires (d'age houiller à tertiaire) empilées les unes sur les autres, avec des contacts presque horizontaux : on parle alors de nappes plutôt que de chevauchements. Ces unités proviennent de la bordure Est de l'ancien continent européen. Un contact majeur sépare le domaine occidental, dit dauphinois du domaine oriental dit briançonnais. C'est la limite entre Alpes internes à l'Est et Alpes externes à l'Ouest. Elle est en partie ennoyée sous les formations alluviales de la vallée de la Guisane, puis se suit dans le versant Sud du Galibier, au dessus du col du Lautaret.
Les variations cycliques de la géométrie de l’orbite de la Terre autour du Soleil ont eu pour conséquence au cours du Quaternaire (les dernier 2,6 M d’années), et en particulier depuis un million d’années, de faire se succéder tous les 100 000 ans des périodes glaciaires et des périodes interglaciaires. La dernière de ces glaciations, appelée Würm dans les Alpes, a débuté il y a 115 000 ans et est arrivée à son terme il y a 12 000 ans. Les grands glaciers qui s’écoulaient depuis l’intérieur de la chaîne jusqu’aux piémonts (le bas-Dauphiné pour celui de la Romanche, la plaine de Sisteron pour celui de la Durance) ont fini par se retirer en altitude. Ainsi, le glacier de la Romanche qui au maximum de son épaisseur alimentait une transfluence vers la Durance via le Lautaret a libéré le col il y a près de 15 000 ans. On le sait grâce aux tufs du Lautaret dont le début du dépôt sur le site du Jardin Alpin date de 14 000 ans. Ces travertins vont fossiliser au cours des millénaires suivants des restes de flores et de faunes caractéristiques de ces époques.
La transition vers notre interglaciaire chaud, l’Holocène, ne va toutefois pas se faire en douceur, car après une période de réchauffement entre 15 000 et 13 000 ans avant nous, la température baisse brutalement de 3°C à 4°C dans les Alpes, ce qui a pour conséquence dans notre région de faire descendre les langues glaciaires jusqu’à 2000 m d’altitude. Ce « coup de froid » a son origine dans l’Atlantique nord où se produit un arrêt de la circulation océanique convoyant les eaux chaudes et salées des tropiques vers le nord de l’Europe (courant aujourd’hui dénommé Gulf Stream) sous l’effet de l’arrivée soudaine d’eaux froides et douces libérées par la fonte des calottes occupant encore une grande partie d’arctique entre le nord du Canada et le nord de l’Europe. Cette période froide et relativement sèche appelée Dryas récent dure peu, une quinzaine de siècles, entre 13 200 et 11 700 ans avant nous, mais c’est suffisant pour donner naissance à de nombreux glaciers rocheux. Ces glaciers rocheux composés d’un mélange de glace et de débris rocheux de toute taille à température négative sont interprétés comme des formes mobiles du pergélisol. Ils font partie du paysage alpin, car on peut les observer dans les Alpes dans presque tous les cirques glaciaires situés entre 2 000 m et 3 000 m, la plupart à l’état fossile.
L'Holocène a débuté il y a 11 700 ans avant nous et ses premiers millénaires, les premiers millénaires de notre interglaciaire, entre 9 000 et 6 000 ans, sont marqués par une période chaude, avec un climat comparable à la période actuelle, voire un peu plus chaud, qui va s’étendre sur près de 5 000 ans. Il est accompagné d’un recul généralisé des glaciers jusqu’à 3 200-3 400 m d’altitude, de la montée des écosystèmes en altitude, ce qui permet la circulation des Hommes du Néolithique à travers la chaîne par des cols déglacés à plus de 3 000 m, comme l’a montré la momie d’Ötzi découverte en 1991 dans les Alpes italo-autrichiennes. Beaucoup de glaciers rocheux formés précédemment deviennent inactifs par suite de la fonte de leur noyau de glace interne.
Il faut attendre 4 000/3 300 ans avant nous pour voir le climat se refroidir de nouveau. Ce refroidissement, comme le réchauffement précédent, est lié au cycle orbital qui modifie progressivement la distance entre la Terre et le Soleil selon les saisons avec une périodicité de 21 000 ans : c’est la précession des équinoxes. Malgré quelques interruptions (période romaine, Moyen Âge entre l’an mil et 1 250), la seconde période de l’Holocène est marquée par la descente des langues glaciaires partout dans les Alpes. C’est pendant le petit âge glaciaire, entre environ 1 300 et 1 850 après J.C., une période très documentée du point de vue climatique, que l’expansion glaciaire atteint son maximum.
Le réchauffement actuel, depuis la seconde partie du XXe siècle, est étroitement associé aux émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère par les activités humaines. Cette évolution bouleverse les cycles naturels du climat et nous projette dans un futur – la fin du XXIe siècle – où la plupart des glaciers auront disparu du massif. D’autres bouleversements sont attendus dans l’environnement à cette échéance du fait d’un réchauffement qui pourrait nous faire gagner 3°C à 4°C dans les Alpes.
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