Autour de Valfourche

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Valfourche et les sources de la Romanche

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Du refuge, vers les vallons du Clot des Cavales et de la Plate des Agneaux

Les refuges de l'Alpe du Villard d'Arène et de Chamoisière sont installés sur le sédimentaire du "synclinal d'Arsine", presque à sa limite Sud-Ouest. En suivant le début des chemins qui partent vers le refuge du Pavé ou celui d'Adèle Planchart (des sentiers communs jusqu'au plan de Valfourche), une jolie balade permet de s'enfoncer dans le cœur du Massif des Écrins-Pelvoux, à l'Ouest du sédimentaire du refuge de l'Alpe.

Une fois descendu jusqu'à la Romanche, on peut prendre au Pont de Valfourche (2 050 m, 500 m environ en amont du Pont de Pierre), le sentier du refuge du Pavé pour remonter le bas du vallon des Cavales jusqu'en amont du lieu dit "Les Pichettes". On arrive ainsi à la moraine du maximum du petit âge glaciaire du glacier aujourd’hui disparu du Clot des Cavales à 2 400 m d'altitude. Cette partie de l'itinéraire permet de se faire une idée de l’ampleur de la déglaciation au cours de l’Holocène, entre les positions occupées par le glacier de la Romanche il y a 12-13 000 ans environ (Dryas récent) et le maximum du petit âge glaciaire atteint vers 1 850, soit il y a plus d’un siècle et demi.

Les affleurements de cristallin (surtout des gneiss) ne sont eux pas très spectaculaires, souvent très fracturés et altérés, ni très faciles d'accès, le bas des versants étant en général noyés sous les éboulis et les moraines. C'est pourquoi au retour au Pont de Valfourche, il est conseillé de repartir vers la droite par le sentier du refuge Adèle Planchard et remonter la rive droite de la Romanche jusqu'aux sources de la Romanche ou en peu plus loin en amont. On trouvera au bord du chemin, laissés par les avancées du glacier de la Plate des Agneaux, un bel échantillonnage de la plupart des gneiss du coeur du massif Écrins-Meije.

Enfin, à proximité immédiate du refuge, une piste mal tracée part vers le Sud à flanc de versant et permet d'accéder à l'entrée éboulée de l'ancienne mine de cuivre de l'Alpe. C'est un témoignage intéressant de toute l'activité minière qui s'était développée au 18e et 19e siècle en Oisans.

Le glacier de la Romanche il y a 13 000 ans

Vallon de la Romanche entre le Plan de l’Alpe, le Plan de Valfourche et le bas vallon du Clot des. En rouge, les moraines (M), en jaune les amas de débris provenant d’écroulement (RA). Les dates mentionnées en gras indiquent les dates moyennes obtenues sur le 10Be (Chenet et autres, 2016)


Un premier arrêt à 2070 m en entamant la descente vers le Plan de l’Alpe donne la vue sur la vaste dépression herbeuse qui s'étend du verrou que franchit le pas d'Anna Falque jusqu'à Valfourche. Cette plaine est pour l'essentiel d'origine glacio-lacustre et fluviatile : un lac ou des lacs s'étaient formés dans une zone de surcreusement glaciaire abandonnée lors du retrait du glacier. Il a ensuite été comblé par les sédiments de la Romanche qui divaguait (et divague toujours) "en tresse" dans la plaine, par les éboulis et par des écroulements venant surtout du raide versant rive gauche

Quelques anciennes moraines ressortent aussi en relief. Elles permettent de prendre la mesure de l’extension du Glacier de la Romanche au maximum du Dryas récent. Des dates ont été obtenues au moyen du beryllium 10 sur des blocs de petits amas morainiques présents vers la cote 1 960 rive droite de la Romanche (Chenet et al., 2016). Ces dates indiquent approximativement la position extrême du glacier de la Romanche il y a environ 13 000 ans (maximum du Dryas récent). D’autres prélèvements par les mêmes auteurs en amont sur d’autres moraines rive droite 200 m après la passerelle du Rif de la Chamoissière ont donné une date moyenne de 12,4 ka BP : cela atteste que le glacier avait déjà reculé depuis son maximum, avec peut-être une petite réavancée donnant cette moraine (M6 sur la figure ci-dessus).

Dans les années 1970, EDF avait envisagé d'utiliser ce site dans un projet hydroélectrique d'envergure : le rehaussement du verrou aval par une digue de quelques mètres de haut entraînait la formation d'un lac étendu, noyant toute la plaine. Ce lac devait être alimenté par la Romanche et ses affluents bien sûr, mais aussi par des eaux venues du vallon du Goléon, au dessus de la Grave.
Un tunnel préparatoire avait été creusé en rive droite, plus haut que le verrou d'Anna Falque. Partant d'un peu en dessous du Col du Lautaret, il fait 2,8 km de long, et est toujours fonctionnel. On voit sa sortie près de l'extrémité Nord de la plaine, barrée par une grille métallique.

Au Pont de Pierre, un écroulement post retrait glaciaire

En traversant la Romanche sur le Pont de Pierre, on tombe au bout d'une centaine de mètres sur un chaos de blocs bien reconnaissable. Il résulte d’un grand écroulement, les datations au 10Be indiquant un âge moyen de 12,2 Ka BP. Cet écroulement, non remanié par le glacier, pourrait être lié au retrait rapide de celui-ci. En effet, son recul aurait déstabilisé les versants de part et d’autre, un processus connu en géomorphologie sous le nom de détente post-glaciaire.

Le début du vallon du Clot des Cavales

Revenir rive droite de la Romanche et la retraverser un peu en amont par le Pont de Valfourche, pour prendre le chemin du Refuge du Pavé, dans le vallon du Clot des Cavales. Vers 2 300 m, un peu au-dessus de la cabane des Pichettes, sur la rive droite du torrent du Clot des Cavales, un autre chaos de blocs apparaît, plus modeste, également non retouché par le glacier, qui est daté à 7,1 ka BP. S’étant produit après le retrait glaciaire, cet écroulement montre qu’à cette date le glacier s’était déjà retiré au-dessus de 2 300 m, ce qui est conforme au fort réchauffement qu’a connu cette période du début de l’Holocène.
Aux altitudes 2 400/2 450 m, on passe à la moraine fraîche datant du petit âge glaciaire et qui a été construite par le Glacier du Clot des Cavales disparu récemment. La carte de l’état major de 1866 indique que le glacier vers cette date remplissait sa moraine. La carte plus récente de l’IGN de 1950 montre que le glacier atteignait alors encore la cote 2 479. Aujourd’hui il n’y a plus de glacier jusqu’au col du Clot des Cavales à 3 156 m, seulement quelques névés pouvant persister parfois l’été. Le Glacier du Clot de Cavales (mal nommé de nos jours, qu’il serait plus exact de nommer le Glacier de Roche Méane), s’est replié sous les parois nord de la Roche Méane à plus de 3 000 m d’altitude. Dernière étape avant sa probable disparition complète d’ici quelques années !

Vers les sources de la Romanche, un échantillonnage du socle cristallin

Le plan de Valfourche est à la jonction de 2 vallons qui pénètrent loin au coeur du massif cristallin : celui du Clot des Cavales, par lequel on accède au refuge du Pavé, et celui de la Plate des Agneaux, très long, occupé par un glacier totalement recouvert de pierrailles dans sa partie basse. Au débouché du vallon du Clot des Cavales, le Plan de Valfourche occupe un vaste cône de déjection torrentiel à faible pente déposé par le torrent du Clot des Cavales. A sa base, coté sud, une toute petite plaine alluviale où coule la Romanche.

Le vallon du Clot des Cavales entaille très largement dans sa partie supérieure la grosse masse de granite qui forme le cœur du massif, tout autour de La Bérarde. On en retrouvera de nombreux blocs au débouché du vallon, mêlés à des gneiss variés. Avec un peu de chance, on verra peut-être dans les blocs de cristallin des petites mouchetures gris-argenté, demi-centimétriques au plus. Il s'agira vraissemblablement de molybdénite. C'est un oxyde de molybdème, découvert en quelques endroits du massif, presque toujours à proximité du contact granite-gneiss. Il n'a jamais été exploité, même artisanalement, mais les indices ont fait l'objet d'un inventaire systématique par le BRGM au début des années 1970.
La Romanche rejoint le torrent du Clot des Cavales au Pont de Valfourche. Elle vient du vallon de la Plate des Agneaux, parallèle à celui du Clot des Cavales. Comme lui, ce vallon est lui aussi en partie creusé dans le granite de la Bérarde, mais plus largement dans les gneiss, qui sont prédominants dans la couverture morainique du glacier.

La Source de la Romanche se situe environ 500 m en amont du plan de Valfourche, en bordure d'une nouvelle petite plaine alluvialle. En réalité, avec le recul du glacier, le torrent principal arrive de plus haut dans le vallon, du front du glacier, à environ 600 m en amont.
Les photos ci-dessous montrent les deux types de roches les plus abondantes dans la partie Est du massif cristallin des Écrins-Pelvoux. Ce sont des granites à grain et teinte variable, et des gneiss plus ou moins migmatisés (des migmatites) avec comme minéral ferro-magnésien principal de la biotite (c'est le mica noir, en réalité de teinte brun-mordoré). On les identifiera facilement dans les gros blocs épars çà et là. A coté, on pourra aussi trouver des gneiss plus sombres, qui contiennent de l'amphibole (aussi un silicate ferro-magnésien, de teinte vert-bouteille dans sa forme la plus commune, contenant du calcium, mais pas de potassium contrairement à la biotite), et non plus de la biotite. Quand l'amphibole est très abondante (on parlera alors d'amphibolite), la roche devient très massive et presque noire.

Trois roches communes que l'on peut trouver dans les blocs autour de Valfourche :
- Un gneiss biotitique, avec des lits sombres faits de biotite (avec parfois un peu de grenat), et des lits clairs de quartz et feldspath
Un gneiss biotitique où le litage semble en partie détruit et envahi de manière diffuse par du granite. C'est ce qu'on appelle une migmatite, la partie granitique provenant de la fusion partielle du gneiss quand il atteint une certaine température (ici, peut-être de l'ordre de 740°C). Sur certains blocs, dans la partie granitique, on pourra parfois voir des taches centimétriques brun-verdâtres à bordure floues : il s'agit d'amas de cordièrite altérée. Ce minéral caractérise des conditions de métamorphisme d'assez basse pression.
- un granite à gros grain, où l'on reconnait du feldspath potassique (rose), du feldspath plagioclase (blanc porcelanné), du quartz reconnaissable à son aspect gris huileux, et de la biotite (le mica noir), parfois presque complètement transformée en chlorite (un minéral vert sombre) par l'altération hydrothermale tardive.

En revenant au refuge de l'Alpe

En revenant vers le refuge l'oeil est attiré par la très belle vue sur le Combeynot, en arrière plan du refuge. L'après-midi, quand l'éclairage est bon, la structure globale du massif est bien visible dans le versant du Roc Noir : en haut, le socle cristallin. En dessous des lambeaux de dolomies triasiques, puis les séries noires jurassiques : la série semble donc globalement à l'envers, le granite chevauchant la série sédimentaire, qui plonge sous lui.
Plus bas, sous un chevauchement médian, peu visible dans le paysage, mais que l'on peu suivre depuis le ravin du Colombier (recoupé lors de la montée par le Chemin des Crevasses), on a la répétition du Jurassique, puis de nouveau le Trias dolomitique, et enfin le cristallin. C'est la série maintenant apparemment à l'endroit (Lias sur le Trias, Trias sur le socle) du flanc inférieur du "synlinal d'Arsine".


La mine de cuivre de l'Alpe

A environ 550 mètres au Sud du refuge, à la même altitude, plusieurs filons ont été exploités pour le cuivre entre 1835 et 1839, en petite carrière et ébauches de galerie. Leur visite peut intéresser les promeneurs curieux du patrimoine minier de l'Oisans.
Pour cela, prendre une trace qui court à l'horizontale depuis le refuge, passe sur quelques polis glaciaires de gneiss très recouverts de lichens, coupe des éboulis herbeux et arrive à une petite plate-forme avec carrière éboulée. Pas de beau filon ici, et seuls quelques placages de malachite (un carbonate de cuivre) d'un joli vert attestent de la présence du cuivre. Dans la plaine 120 mètres plus bas, les restes des bâtiments de la mine : forge, poudrière, ateliers de préparation. C'est là qu'était prétraité le minerai, jeté depuis la carrière dans le raide couloir qui en descend, puis ramassé et transporté à dos d'homme jusqu'aux bâtiments.
De nombreuses mines furent exploitées en Oisans entre le 18e et le 20e siècle, le plus souvent pour le cuivre ou l'argent. La plupart des gisements étaient assez analogues, et se situaient comme ici près du contact entre le cristallin et le Trias. Les éléments métalliques ont été concentrés par la circulation d'eaux hydrothermales dans le socle cristallin, et se sont redéposés dans des filons. Le minerai exploité était des sulfures (en particulier la chalcopyrite, sulfure de cuivre, ou la galène, sulfure de plomb souvent argentifère, et exploité alors pour l'argent), inclus dans une gangue stérile en général quartzeuse (in : Pêcher et Tordjman, 1998).